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Correction du concours blanc

7 mars 2020

Méthode

Le Sacré est-il conditionné par la sainteté ?

 

A : Analyse des termes

 

Rappel de l’ambiguïté des termes en jeu, notamment en allemand où heilig peut indifféremment être traduit par saint ou sacré.

 

Le Sacré est ici écrit avec une majuscule, signe à relever dans la définition introductive ; avec une majuscule, il a plutôt tendance à renvoyer à son sens restreint, celui de connaissance sacramentelle, de Sagesse, donc d’identité de l’Être et du Connaître ou, pour le dire avec le platonisme, de l’Intelligible et de l’Intellect ou, pour le dire encore autrement, du Sens et de l’Intellect. L’objet du Sacré peut ainsi être défini comme l’Absolu ; mais le Sacré suppose en outre un procès initiatique, par lequel l’individu accède par étapes à une connaissance paradoxalement intuitive. A cet égard, l’Absolu semble impliquer une médiation.

Il est toujours utile de jouer sur les antonymes qui seront utiles pour la problématisation : le contraire du Sacré, c’est la séparation.

Néanmoins, il n’est pas hors-sujet d’élargir au sens large, et d’envisager non pas tant le Sacré comme tel que les choses sacrées liées aux bâtiments, aux lieux ou encore aux sacrifices. Ici, le contraire du sacré serait plutôt le profane.

 

« Conditionné » renvoie à l’idée d’une relation de dépendance ; ce qui est conditionné se trouve dépendant d’une réalité, mais la nature même du conditionnement est multiple : une condition peut être nécessaire, mais non suffisante, suffisante mais non nécessaire, ou encore nécessaire et suffisante, ou encore ni l’une ni l’autre. Il eût été fécond de qualifier par des adjectifs la grande variété des conditions et d’examiner, notamment en problématique, le sens différencié du sujet selon la variation des adjectifs.

Le contraire de « conditionné » est inconditionné donc « absolu », ou « en-soi » ; il n’est pas intéressant de noter dès à présent que absolu signifie par son étymologie « libéré de tout lien », donc séparé, ce qui est intéressant dès lors que l’on se rappelle que le Sacré vise justement à surmonter toute séparation, toute scission pour atteindre l’Absolu.

 

La sainteté renvoie ici à une propriété du sujet, plus précisément à la double dimension de la pureté et de l’accord de sa volonté avec une volonté transcendante, avec la Loi. La double dimension doit être mentionnée dans la définition introductive. La sanctification désigne le procès par lequel est conquise la sainteté.

Les contraires seraient ici l’impureté, voire dans une optique théologique quelque chose comme la damnation.

 

B : Analyse de la relation entre les termes

 

Il me semble que la difficulté autant que l’intérêt du sujet tenaient à l’indétermination de la notion de « condition » ; le conditionnement pouvant être multiple (nécessaire, etc.), il fallait analyser le sujet selon ses différentes modalisations et ainsi se demander à chaque fois ce que signifiait chaque possibilité.

-          la sainteté est condition nécessaire mais non suffisante du Sacré : cela signifie que quelque chose du Sacré requiert la pureté ou la volonté accordée à la Loi, mais que cela ne suffit pourtant pas pour que le Sacré s’accomplisse ; ainsi s’ouvre le domaine probable d’une pureté nécessaire tandis que ferait défaut au moins un élément qui expliquerait la non-suffisance de la sainteté. En outre, dans ce cas, le Sacré comme processus ne peut être dit absolu.

-          la sainteté est condition suffisante mais non nécessaire du Sacré : la pureté et / ou l’accord de la volonté avec une transcendance permettraient d’accomplir le Sacré, mais d’autres voies pourraient également y mener ; on aurait ainsi une forme de contingence de la sainteté dans le Sacré, mais contingence paradoxale en ceci qu’elle permettrait d’accéder au Sacré sans pour autant être exclusive. La question de l’absoluité du Sacré dans ce cas est ambiguë.

-          la sainteté est condition nécessaire et suffisante du Sacré : cela veut dire que pour que le Sacré s’accomplisse, la pureté et / ou la volonté sainte suffisent et qu’il n’y a donc rien de plus dans le Sacré que dans la sainteté. Le Sacré dans ce cas ne peut être absolu.

-          la sainteté n’est ni condition nécessaire ni condition suffisante du Sacré : cette possibilité se subdivise elle-même car ne pas être une condition nécessaire peut signifier deux choses : soit la sainteté est une condition contingente, soit elle n’est pas une condition du tout.

 

Parmi ces différentes options nées de l’analyse du sujet, une et une seule doit être retenue, et cette option constituera le résultat obtenu en troisième partie, à partir duquel tout le reste de la copie sera rétrospectivement conçu. Ce débroussaillage permet d’identifier au fond le sens de chaque réponse possible avant d’en choisir une et d’en faire le but vers lequel tend la copie.

 

C : Problématisation

 

Je rappelle qu’un problème n’est pas identique à une question : un problème vise à faire surgir un enjeu conceptuel du sujet, donc un enjeu lié à la définition des termes et à leur mise en relation, et aucune réponse factuelle ne peut satisfaire un problème. Idéalement, la formulation d’un problème doit montrer que la voie examinée mène à une impasse qui, pour être résolue, créera une seconde impasse, et ainsi de suite.

 

Les concepts qui ont été identifiés dans les analyses précédentes, outre la sacralité et la sainteté, sont les suivants : nécessaire, contingent, possible, absolu (en-soi), scission, exclusivité / inclusivité, médiations, intuition (intuitif). Il est toujours fécond pour problématiser de s’appuyer sur la conceptualité puisque c’est elle et elle seule qui est en jeu.

 

1)      Supposons que la sainteté constitue une condition nécessaire et suffisante du Sacré, alors celui-ci ne contiendrait rien de plus quant à son accomplissement que ce qu’autorise la sainteté ; mais ne risquerait-on pas alors de perdre la spécificité du Sacré en en faisant un résultat mécanique de la sainteté ? Ne serait-ce pas, pour le dire autrement, prendre le risque d’occulter toute la portée noético-ontologique du Sacré pour le réduire à la question morale de la volonté et de la pureté ?

2)      Afin de prévenir pareil risque, ne faudrait-il pas à l’inverse penser le Sacré comme inconditionné, et le libérer de toute dépendance à l’endroit de la sainteté ? Mais procéder ainsi aggrave la difficulté car, en tant qu’il vise un objet, le Sacré vise l’Absolu, donc l’inconditionné ; n’est-il pas alors d’emblée absurde de demander si ce qui a pour objet l’inconditionné peut lui-même être conditionné ? La difficulté se redouble dès lors que se trouve précisée la matière de l’éventuelle condition, à savoir la sainteté ; si le Sacré inconditionné relève du noético-ontologique, la sainteté relève davantage du registre moral et de la pureté ; interroger la conditionnalité du Sacré ne revient-il alors pas à introduire deux contradictions, une première par laquelle l’objet même du Sacré comme absolu serait contredit par le conditionnement du Sacré lui-même, et une seconde par laquelle le contenu de l’éventuelle condition se révèlerait trop hétérogène au Sacré pour être sensée ?

3)      Ne peut-on pas sortir des impasses précédentes en rappelant la processualité du Sacré et, partant, l’importance des médiations dont il faudrait interroger le rapport à la sainteté ? peut-on alors penser les médiations inhérentes à la processualité du Sacré comme les étapes de la sanctification conditionnant l’accès à ce dernier ? Mais là se révèle l’indétermination de la notion de condition : une condition peut être nécessaire ou contingente, suffisante ou insuffisante ; ainsi, au moment même où s’ouvre une possibilité pour penser le conditionnement du Sacré par la sainteté se révèle l’indétermination sémantique du concept de condition, c’est-à-dire de dépendance.

 

D : Détermination d’un plan

 

Le plan ne peut être construit que rétrospectivement à partir d’un résultat final qui, rétroactivement, dicte les éléments nécessaires pour parvenir jusqu’à lui.

 

L’idée que je défendrai à la fin de la copie est que la sainteté est une condition nécessaire mais non suffisante du Sacré. En outre, je procèderai du plus simple au plus complexe donc du moins métaphysique au plus métaphysique. On voit tout de suite que le plan doit :

 

1)      identifier ce qui se niche dans l’insuffisance de la condition pour accéder au Sacré.

2)      Argumenter en faveur de la nécessité de la sainteté et donc contre la contingence de la condition.

3)      Argumenter contre l’absence de conditionnement en général et donc rendre possible la défense d’un Sacré qui ait l’Absolu pour objet et qui pourtant soit conditionné.

4)      Contenir tous les éléments permettant de résoudre les problèmes de la problématique.

 

Si l’on examine les éléments précédents, on observe immédiatement plusieurs points :

-          Spécifier qu’il y a une condition n’est pas du même ordre que préciser sa modalité (nécessaire, contingente, etc.). De ce fait, la spécification modale est nécessairement postérieure à la détermination de l’existence d’une condition, et l’on voit d’emblée ce que peuvent être les parties II et III : II va ferrailler pour imposer l’idée d’une condition du Sacré, donc imposer une dépendance non contradictoire avec son objet, et III  va préciser la modalisation de cette condition et justifier son insuffisance.

-          Comme souvent, le plus difficile est finalement de trouver une première partie car il est très difficile de ne pas tout dire en première partie ni de dire des choses qui risqueraient d’être soit contredites par la suite, soit inutiles pour la suite. Ici, le plus simple est sans doute de commencer par montrer que ce par quoi advient le sacré, ce qui fait sacré (le sacrifice) ne peut être accompli que par le monde sacerdotal dont on peut considérer qu’il est gardien de la sainteté de la volonté. Cela permettrait du cadre le moins métaphysique pour progressivement s’élever vers le sens le plus métaphysique du Sacré.

 

Nous aurions ainsi le plan suivant :

I : examen de la manifestation du sacré à partir du sacrifice qui le fait advenir ; cet examen questionne ceux qui pratiquent le sacrifice, donc ceux par qui advient le sacré ; la caste sacerdotale est habilitée pour le sacrifice ; examen du rapport de la caste sacerdotale à la sainteté ; le lien est établi (connaissance de la volonté des dieux / protectrice des règles de pureté).

Lien entre advenue du sacré et donc nature de ceux qui le font advenir ; la nature de l’individu est donc partie prenante de l’advenue du sacré.

 

Transition : l’examen du sacrifice et du rôle de la caste sacerdotale révèle que la sainteté n’est pas réductible à une question morale ; par la connaissance de la volonté divine, la caste sacerdotale indique un lien entre sainteté et noétique ; peut-on alors penser au-delà de la manifestation du sacré le lien intime entre procès de sanctification et dimension noétique du Sacré comme tel ?

 

II : On quitte le terrain statique de la première partie pour penser la sainteté comme procès de sanctification ; ce procès de sanctification se révèle aussi noétique, en tant que la connaissance de la volonté divine est en jeu afin de s’y accorder.

On peut donc interroger le lien entre processualité de la sainteté comme sanctification et l’initiation noétique inhérente au Sacré ; on vise de ce fait à montrer que celle-là conditionne celle-ci. Refus de l’opposition levinassienne entre le saint et le sacré.

Détermination du type de lien entre la première et la seconde processualité comme conditionnement, donc comme relation de dépendance. Résolution de la contradiction entre l’objet du Sacré comme Inconditionné et conditionnement du sacré par le procès de sanctification.

 

Transition: la notion de condition est indéterminée ; à cet égard, dire du Sacré qu’il dépend de la sainteté demeure un énoncé indéterminé, tant que l’on n’a pas spécifié la modalité de cette dépendance. L’insuffisance modale du conditionnement doit donc être levée.

 

III : préciser le caractère nécessaire donc déterminant de la sainteté conçue à partir des étapes de sanctification. Montrer pourquoi le Sacré ne pourrait avoir de sens sans la sanctification, pourquoi il la requiert = montrer pourquoi il serait impossible qu’un individu non saint accède au Sacré. Il ne s’agit plus de constater une corrélation mais d’établir la nécessité d’une dépendance.

Mais examiner pourquoi cette sanctification est insuffisante dans son conditionnement du Sacré = montrer ce qui, dans le Sacré, déborde la sainteté et ne s’y trouve d’aucune manière.

 

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